Lynx boréal – Lynx lynx

Texte : Pascale Hervieu ; Phographies : Michel Andrieux, Pascale Hervieu, Jean-Pierre Mériaux, Emilie Tournier.
(Toutes les photos ont été réalisées au Parc du Bayerischerwald)

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Crédit photo : Michel Andrieux

Lynx boréal ou « loup-cervier ». Etymologiquement, « loup » signifie « qui attaque les cerfs » et « cervier » du latin « cervarius » a pour sens « couleur du cerf » L’appellation « luvecerviere » (femelle du loup-cervier) est apparue au XIIème siècle avant celle de « loup-cervier ».
Au XVème siècle, le lynx était présent partout en France, y compris dans les plaines. Sa disparition est survenue au XVIIème siècle dans les Vosges, puis au XIXème dans le Jura et le Massif Central suivie des Pyrénées et des Alpes au début du XXème siècle.
Son retour en France date des années 1970 grâce à la réintroduction d’individus dans le Jura Suisse dont certains ont franchi la frontière, puis la réintroduction en 1983 dans les Vosges.
Dans les années 80, des indices de sa présence dans les Alpes ont pu être mis à jour. Actuellement, sa présence est actée du nord des Alpes jusqu’aux Alpes de Haute Provence.
On dénombre donc 3 points de présence en France : Les Vosges, le Jura et les Alpes. Cependant, celle-ci reste fragile puisqu’il est à nouveau au bord de l’extinction dans les Vosges et qu’elle est très discontinue dans les Alpes. Son aire de présence régulière reste donc dans le Jura.

Sachant cela, plantons le décor !

Imaginez un territoire allant de 12 à 23 km de diamètre, soit une superficie d’environ 100 à 400 km², situé dans une zone forestière de montagne, au profil accidenté qui offre de nombreuses caches pour élever les petits.
Le mâle a le territoire le plus vaste sur lequel 1 ou 2 femelles peuvent y avoir le leur qui ne se superposent pas. En revanche, il ne tolère aucun rival dans cet espace. Afin de délimiter son territoire, chaque individu pratique le marquage régulier sur les éléments marquants de cet espace (rochers saillants, tronc abattu, piquet, souches…) par projection d’un jet d’urine dont l’odeur tenace sera repérée par tout autre individu durant plusieurs semaines. Ce jet d’urine est également porteur de 3 messages :
– Un lynx habite ici,
– l’indication de son sexe,
– et le temps écoulé depuis son dernier passage.

Crédit photo : Pascale Hervieu

Chaque individu investit un morceau de son territoire tant qu’il n’est pas repéré par son gibier mais lorsque sa présence est détectée, la chasse devient plus difficile pour lui. Alors, il déménage dans un autre lieu du territoire où il pourra prendre ses proies par surprise.
Si le mâle tolère des femelles chez lui, c’est principalement parce qu’ils n’ont pas les mêmes proies. Lui qui peut peser jusqu’à 25 kg s’attaque principalement à des chevreuils, tandis que la femelle qui pèse en moyenne 18 kg, se contente de chasser des chevrettes. Ils ne se font donc pas de concurrence alimentaire. Une proie tuée fournira le couvert pour 4 à 5 jours. Son festin (de 1 à 3 kilos par jour) commence toujours par les morceaux de choix, c’est-à-dire les cuissots de l’animal. Puis au fil des repas, il remonte du cuissot à la tête en dépeçant l’animal, jusqu’à lui retourner la peau sur la tête. Il ne consomme pas la panse et les viscères. Entre deux repas, le lynx dissimule sa proie sous des feuillages et des branchages. Mais souvent, il le fait très sommairement et il peut arriver que d’autres espèces opportunistes en fassent leurs repas, cela diminue d’autant la longévité du garde-manger pour le lynx, ce qui peut s’avérer ennuyeux quand la femelle élève les petits, car cela l’oblige à s’éloigner d’eux plus souvent et, au fil du temps plus longtemps, les laissant livrés à eux-mêmes sans défense durant de longs moments.

Crédit photo : Jean-Pierre Mériaux

Mais parlons-en ! qu’en est-il de la vie de famille chez les lynx ? la famille est essentiellement composée d’une mère et de 1 à 4 petits (le plus souvent, 2 ou 3). Car il faut bien le dire, le mâle est un solitaire qui n’en n’a rien à faire de ses responsabilités de père ! Il ne passera que quelques jours par an avec la femelle, le temps de la couvrir puis de disparaître sans demander son reste !

 

Femelle – Crédit photo : Pascale Hervieu

Mâle – Crédit photo : Pascale Hervieu

La femelle recherche alors un lieu sûr où elle pourra mettre bas, après 10 semaines de gestation, de 1 à 4 chatons ne pesant pas plus de 300 grammes chacun. Les petits naissent sourds, aveugles et malgré leur belle fourrure couleur sable, ils sont incapables de réguler leur température. Pendant plus de 24 heures, Leur mère doit donc les « couver » comme un oiseau pour les tenir au chaud. Au bout de 15 jours, les chatons ont doublé de poids et commencent à percevoir ce qui se passe autour d’eux. Ils sont désormais plus remuants.
La nécessité de s’alimenter pour pouvoir les nourrir, oblige la femelle à sortir chasser régulièrement. Au mieux elle trouve une proie rapidement et peut compter dessus pendant 4 à 5 jours, au pire, elle doit s’éloigner parce qu’elle est repérée et elle finit par déménager sa famille (un petit à la fois) dans un lieu plus propice à la chasse.
A l’âge de 7 semaines, les petits commencent à suivre leur mère dans des sorties de courtes distances et peuvent manger de la viande en complément du lait maternel. C’est désormais temps pour eux de déménager car celle-ci est à nouveau bien repérée par le gibier. Commence alors un temps de vagabondage durant lequel, lorsque leur mère chasse, les petits sont mis à l’abris dans une cachette sommaire. Rien à voir avec le lieu très sécurisé de leur naissance. Au fil des semaines, la femelle rallonge les distances et en profite pour sillonner les différents lieux de son territoire pour le marquer à nouveau. Les petits deviennent de plus en plus endurants et vigoureux et c’est vers l’âge de 11 mois qu’ils finiront par se disperser à la recherche de leur propre territoire en attendant leur maturité sexuelle qui interviendra vers l’âge de 2 ans pour les femelles et de 3 ans pour les mâles.

Crédit photo : Michel Andrieux

Le départ du foyer maternel est une période à haut risque et à forte mortalité pour les jeunes qui s’exposent à la malnutrition, à la maladie, au braconnage et aux accidents causés par les infrastructures qui traversent leur territoire.  Bien que protégée, l’espèce reste menacée.

 

Crédit photo : Michel Andrieux

Crédit photo : Michel Andrieux

S’ils survivent à ces dangers, des chatons qu’ils étaient, ils n’auront plus rien !
Les mâles mesureront de 50 à 70 cm au garrot et pèseront jusqu’à 25 kilos. La taille des femelles sera 25% plus petite (de 12 à 18 kilos).
Ils auront une belle tête de chat, ronde avec de magnifiques favoris et des oreilles surmontées d’un pinceau caractéristique. Leur queue courte se terminera par un capuchon noir. Leur pelage brun sera plus ou moins tacheté.
Ils auront selon la légende « une vue de lynx » c’est-à-dire une vue perçante !
Mais il faut se méfier des légendes qui peuvent être détournées : Dans la mythologie grecque, Lyncée, l’un des Argonautes qui partirent à la recherche de la toison d’or, avait une vue perçante qui lui permettait de voir à travers les murs et au fond de la mer.
Au moyen âge, il y eu confusion entre Lyncée et Lynx et l’expression « avoir les yeux de Lyncée » s’est transformée en « avoir des yeux de lynx ».
D’où cette qualité que l’on prête au lynx et qui est tout à fait usurpée car dans la réalité, le moment où la vue du lynx est la meilleure c’est au crépuscule (heure à laquelle sortent ses proies) et durant la nuit grâce au « tapetum lucidum » situé derrière la rétine qui fonctionne comme un miroir et qui renvoie la lumière vers les cellules sensorielles, permettant à tout animal qui en est équipé d’avoir de bonnes performances visuelles la nuit.

Crédit photo : Emilie Tournier

Crédit photo : Pascale Hervieu

Crédit photo : Pascale Hervieu

Références et documentation :
Mythologie grecque,
La Hulotte (Revue la plus lue dans les terriers) N°102
Site Ferus : plaquette téléchargeable sur le lynx

https://www.ferus.fr/wp-content/uploads/2019/08/plaquette-lynx-2019.pdf

https://www.cnrtl.fr/etymologie/loup-cervier