Le Gypaète barbu

Texte et photographies : Grégoire Trunet

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Monsieur Noël était mon instituteur en CM1 et CM2. Déjà réfractaire à la dictée et à l’orthographe, je ne peux pas dire que je garde un souvenir ému de cette période. En revanche, chaque année lors de la préparation des classes de neige, il nous parlait de la faune des Pyrénées et notamment du Gypaète barbu.
Internet n’existait pas et les photos de ce symbole de l’ornithologie de montagne étaient rares. Il n’avait donc pas de photo à nous présenter, mais pour que l’on se rende compte de la taille de l’animal, il avait dessiné la silhouette au tableau. Trois mètres d’envergure, le tableau faisait deux mètres quatre vingt … J’avais du mal à croire qu’un tel animal existe. Je crois que ma fascination pour le “Gypa” a commencé ce jour là.
8 Février 2011 – 03h00 : J’avale difficilement un café infâme. Cette ascension n’en finit pas. Les vingt kilos de matériel semblent peser le double. Et il faut que je sois dans l’affût au plus tard une heure après le levé du jour. Mais l’excitation fait que je grimpe plus vite que ce que je n’aurais imaginé. Enfin ! depuis toutes ces années, je vais à la rencontre des Gypaètes. Les gardes espagnols m’ont donné des renseignements extrêmement précis et j’ai une semaine de congés à passer là-haut.

10 février – 11H00 : Voila deux jours que je l’attends, mais toujours rien. Les vautours fauves s’en donnent à cœur joie, mais pas l’ombre d’un gypaète.
10 février – 17H00 : Les vautours sont partis et depuis trois/quatre heures c’est une simple corneille qui meuble le paysage. Et soudain, comme souvent, c’est l’ombre que l’on voit en premier. Elle tourne autour de l’affût. Puis enfin il est là, plein cadre, un adulte identifiable à sa poitrine ocre. La rafale claque, la lumière est parfaite, j’en ai les larmes aux yeux.
Le premier d’une longue série. Les jours suivants c’est près d’une quinzaine de gypaètes de tout âge que j’aurai l’occasion de photographier. Ces quelques jours en Aragon restent un de mes plus beaux souvenirs.

 

Fiche d’identité :
Famille : Accipitridés

Taille 100 – 115 cm
Envergure : 245 – 300 cm
Poids 5 – 7 kg
Longévité : 35 – 40 ans

Avec le vautour moine, c’est le plus grand oiseau d’Europe. Les deux sexes sont semblables, la femelle est plus grande que le mâle. Ses ailes pointues et surtout sa queue cunéiforme lui donne une silhouette, qu’avec un peu d’habitude, il est impossible de confondre.
Le gypaète n’est adulte qu’à l’âge de sept ans. Les jeunes arborent un plumage bien moins spectaculaire que les adultes. Le plumage des jeunes est à dominante brun, la tête est noire jusqu’à ses trois ans.
Alimentation :
C’est un charognard. Son alimentation est constituée en grande partie d’os et de ligaments. Ses sucs digestifs particulièrement puissants lui permettent de digérer cette nourriture très spéciale. Il peut avaler des os d’une longueur de trente centimètres. Si l’os est de taille trop importante, il le laissera tomber sur des pierres pour les casser.
Les poils ne sont pas digérés et sont régurgités sous forme de boulettes, un peu comme le font les chouettes.
La technique est toujours la même, il saisit l’os dans le bec, puis une fois en l’air, le prend avec ses pattes pour le lâcher ensuite sur un pierrier pour le briser.

La couleur ocre du plumage est obtenue par oxydation lors de bains de boue et d’eaux ferrugineuses. Les adultes sont sédentaires, les jeunes en revanche voyagent sur des distances remarquables durant leurs premières années, il ne se fixeront dans un massif qu’à l’âge de cinq/six ans. En novembre dernier j’ai photographié un jeune bagué l’année dernière en Catalogne, à près de 500 km du Pays-Basque.
Assez curieusement les jeunes sont souvent grégaires et harcèlent régulièrement les adultes. Cela peut donner quelques joutes spectaculaires.
Je souhaite à tout photographe de pouvoir un jour observer le gypa. Croiser son regard cerclé de rouge dans le viseur sont des moments inoubliables. Ses cris notamment ont quelque chose de magique. C’est indéniablement une des plus belle rencontre que la montagne puisse nous réserver.