Toutes mes réponses sur les forums
-
AuteurMessages
-
Merci à tous pour votre accueil,
ce fut un plaisir !
Bonjour,
Merci pour le bonjour de Serge H, qui est en effet un homme délicieux.
L’interprétation du spectateur est au final la seule qui va rester ; elle est parfois en adéquation avec celle du photographe, parfois non. De cette « peur » nait des légendes photos ou des explications à rallonge de la part de certains photographes, mais la plupart se contentent de donner un titre à leur image. La notion de titre est importante car c’est le seul moyen d’orienter le ressenti ou l’interprétation d’une photo à long terme. C’est aussi un test simple pour le photographe lui-même : on peut avoir beaucoup de mal à trouver un titre « original » lorsque l’on ne sait pas trop soi-même pourquoi on a pris telle ou telle photo… Aussi la gymnastique du titre permet à l’auteur de s’interroger sur sa propre démarche, et de constater à l’occasion le vide intersidéral associé à une image -)) Rassurez-vous cela nous arrive à tous. Mais ce qui est intéressant c’est que cela peut nous inciter à une certaine introspection, à réfléchir davantage au sens de notre démarche photographique, et peut-être à commencer d’en construire une…
– Genèse – © f milochau
Retour en forêt, l’un de mes milieux fétiches, avec l’exploitation du format carré.
Il s’agit d’une photo argentique, en traitement croisé, recadrée en carré. J’aime beaucoup cette référence au 6×6, qui apporte à la fois une dimension vintage, artistique et surtout une assise particulière du paysage… c’est comme si la composition (lorsqu’elle est réussit) était encore plus parfaite. Ici je tenais à faire une référence assumée à la peinture.
Le coté verdâtre colle bien avec le milieu forestier et la gamme des contrastes, qui va du subtile au fort, fait tout l’intérêt de cette photographie. Ici, l’air est palpable grâce à la brume et donne une vrai matière au vide qui du coup semble animé… Cette photo n’est jamais figée ou inerte, elle vibre en permanence : c’est un peu le Graal d’une photo de paysage, et ce qu’il faut s’efforcer d’atteindre. Ceci ne veut pas dire qu’elle est magnifique aux yeux de tout le monde, mais que ceux qui vont l’aimer ne vont jamais s’en lasser.
Pascale,
ta question est très vaste ; en soi, c’est l’objet de tout un livre (« les secrets de la photo de paysage » ed Eyrolles par exemple…).
Les choix relèvent du cas par cas, mais c’est avant tout une question de feeling et d’éléments forts dans la situation : il y a toujours un élément déclencheur, parfois c’est le ciel, un arbre, une composition graphique, une lumière… ensuite c’est une analyse immédiate des plans et de leur organisation, la c’est une question d’équilibre, d’harmonie. Ce que tu a vu avec les triangles est ici un jeu de pointes en fait : pointes qui répètent le motif d’une montagne, comme une répétition symbolique qui ne cesse d’élever le regard vers le haut…
Ce que je déplore avec le format vertical c’est que les boitiers ne font souvent pas pivoter l’écran dans ce sens : une hérésie à mes yeux, qui sabote littéralement ce type de cadrage… Nikon ou Sony par exemple sont nuls dans ce domaine avec leur écrans sur charnières dignes de l’age de pierre…bref….
Il n’en reste pas moins que l’art de la composition est le nerf de la guerre en matière de paysages ; on peut se foutre de l’exposition en faisant des Raw passables ou insipides qui seront rattrapés en post traitement, mais le cadrage lui fait toute la différence entre deux photographes…
On reparlera de tout ça en live avec plaisir !
Un peu de montagne, avec juste le plaisir de contempler …
Le très grand angle est indispensable, et puis utiliser les couleurs pour jalonner le paysage, induire la profondeur.
Ps : ne pas negliger le format verticale ! ce dont les fabricants de boitier devraient se souvenir ! (orientation écran)
Restons au Botswana, avec cette photo de « logique animalière inversée »…
Comme vous le voyez, les animaux sont flous et constituent une partie de l’arrière-plan, tandis que l’arbre mort est en vedette. Habituellement on aurait plutôt cherché l’inverse. Mais en fait, cette composition met tout le monde en valeur, même les éléments flous, tout en attirant l’attention sur cet arbre qui aurait pu passer inaperçu ; c’est cette approche décalée qu’il faut tenter de cultiver et développer lorsque l’on intègre le facteur paysage dans son travail photographique. Inverser parfois la logique des choses, remettre en question son schéma habituel pour s’ouvrir à des prises de conscience différentes et plus larges… Et ce, toujours dans la perspective d’observer et témoigner de l’ensemble d’une scène.
Bonjour, et merci pour ces premiers commentaires de membres téméraires qui osent s’intéresser aux paysages dans ce fief de l’animalier …-)) !
A propos d’animaux, voici une photographie des plaines de l’Okavango où les éléphants vont boire en processions le soir venu. Le paysages, les animaux, la flore, le ciel, tout cela n’est qu’une segmentation artificielle et parfois néfaste qui rompt le lien universel qui unit « toutes choses » dans la Nature ; faire une photo de paysage, c’est aussi témoigner le plus souvent possible de cette unité primordiale.
De ce point de vue, les chapelles photographiques sont dérisoires et souvent un peu ridicules, entre aficionados de telle ou telle spécialités… Le fossé ne se creuse qu’en terme de motivations personnelles, c’est vrai, mais aussi et surtout de particularités techniques (matériel, connaissances empiriques) : c’est à ce niveau qu’il est important de construire des passerelles entre les photographes et leurs savoirs, pour que chacun d’entre nous (les photographes-Nature) puisse ouvrir sa conscience à l’ensemble, au delà du particulier…
Une photo volée, sur les rives de la mer morte où une jordanienne contemplait l’horizon…
L’espace est l’une des clefs du paysages ; laisser le vide respirer, ne pas combler à tout prix.Diapo – Jura
Cette photo est assez ancienne, mais illustre bien la façon dont un site peut être mis en scène par le photographe. Une petite cabane, au bord d’un lac gelé, prend tout à coup un air de Grand Nord canadien en étant placée dans cet entrelacs de branches ; ce rideau en premier plan apporte un effet de nature sauvage, de foret dense, qui dépayse complétement le spectateur… Ce petit jeu ne marche qu’avec la participation de la lumière du soir qui cible une partie seulement des arbres, ce qui aide à différencier clairement les plans ; sans cela, l’image serait très brouillonne , limite illisible.
Bretagne celtique…
La fascination vient parfois d’un sujet centrale, notamment en forêt, mais cette composition nécessite un sujet principal fort, souvent emprunt d’une certaine symétrie, comme cette roche sacrée.
Ce cas de figure reste cependant assez rare et transgressif, car échappant à la traditionnelle règle des tiers.
A noter que le contraste des éléments/matières (végétal-minéral) est toujours intéressant à exploiter pour faire exister un sujet ; la vibration n’est pas la même, et cette « énergie » passe dans l’image…
Bonjour à tous,
Ravi de partager avec vous, une fois n’est pas coutume à l’ASCPF, pour parler de paysages…!
S’agissant de mes médailles et hautes distinctions, je vous invite à consulter mon site, ce sera plus simple -))http://www.fabrice-milochau.eu/
Pour résumer, je dirais simplement que je suis un arpenteur de paysages et de nature la plus sauvage possible depuis plus de 20 ans. J’ai essentiellement travaillé dans le monde de la presse magazine et suis l’auteur d’une 15zaine de livres. J’accompagne également des safaris-photos dans différents pays du monde avec Objectif Nature, et j’ai développé une approche d’art contemporain (sculptures photographiques) via mes photographies…
Voici ce que je peux vous dire de ma démarche de photographe :
Un paysage nous apprend bien davantage sur notre imaginaire que sur la configuration d’un lieu ; à travers lui s’entame un grand voyage intérieur. Souvent je me suis entendu dire que mes photographies étaient dépaysantes, qu’elles évoquaient d’autres latitudes d’autres mondes. Instinctivement, c’est vrai, j’ai toujours recherché l’ailleurs : la plupart du temps je le vois et le ressens presque partout. Une sorte de prédisposition à oublier où je suis et ce qui devrait m’être familier. Je m’ouvre systématiquement à la découverte.
Pour moi, l’essentiel n’est pas dans l’anticipation et sa cohorte de repérages, mais dans l’ouverture d’esprit ; le regard qui se pose, la symbiose avec l’environnement, le plaisir d’être là, au présent, comptent davantage que mon projet final. J’avance d’un pas tranquille, attentif à chaque rayon de lumière, à chaque scène qui s’offre à moi. Mes photographies ne sont pas le fruit de ma volonté, elles me sont proposées par la nature, offertes par le hasard. Rien n’est sure. Le moment vécu prend le pas sur la garantie du résultat…
Cette approche est une source intarissable d’émotions car elle s’ancre profondément dans l’instant ; ce qui est ressenti l’est sans détours, sans artifices. Les sentiments n’en sont que plus vifs, plus acérés. Ils naissent d’une ombre, d’un souffle, d’une perspective ; ce ne sont plus les mots, la géographie oules concepts qui déclenchent nos sensations comme des processus attendus, mais la simple vérité des sens. J’espère alors que ce qui sera intensément vécu sera intensément ressenti par le spectateur. Cet exercice mène à un dépaysement systématique car je ne cherche jamais à illustrer ce que l’on s’attend à voir ; la région et ses stéréotypes sont oubliés, les paysages que je découvre n’ont plus aucune nationalité. Pour voir l’ailleurs, il faut être nulle part.
Chacun de nous entretient sa propre perception du monde, à travers le filtre de ses sensations, de son éducation, de sa culture ; photographier est incontestablement un acte subjectif et créateur. Mais c’est aussi, et surtout, un acte de partage ; on peut partager ses joies et sa mélancolie, comme livrer ses rêves ou ses convictions. C’est le sens de mes photographies : une contemplation admirative de ces équilibres subtils entre ciel et terre, et une invitation militante, un plaidoyer passionnel pour ces paysages sauvages que j’aime tant.
Il ne s’agit pas simplement de proposer de belles images, mais de projeter le spectateur dans ses propres émotions, de montrer ces instants et ces détails particuliers qui engendrent le mystère, font appel aux arcanes de notre inconscient et inscrivent nos rêves dans une réalité contemporaine. Un regard différent sur la nature, un regard de photographe certes, mais qui suggère une deuxième lecture de ces paysages, comme une porte ouverte sur un monde oublié, caché au plus profond de nos inconscients, un royaume extravagant propice à tous les enchantements…
La photographie est rarement perçue comme un art, en particulier la photo couleur : elle est si proche du réel que nous avons l’impression que c’est simplement le réel. Le noir et blanc gomme cette dimension colorée et devient naturellement différent de la réalité ; on admet donc plus volontiers qu’il puisse être « artistique » et transcender le quotidien. La couleur s’avère pourtant un magnifique outil créatif ; c’est un langage en soi, une faiseuse de rêve tout autant qu’un stimulant émotionnel. Certes, elle décore, elle enjolive, elle distrait à l’occasion, mais fait aussi bien davantage : la couleur va au-delà de la forme, elle l’habille, la modèle, la rend agissante. C’est une vibration. Dans certains contextes, elle baigne toute chose, même l’air !
-
AuteurMessages